Par Renaud Goyer
Après plus de 60 ans au pouvoir depuis le renversement du régime de Batista le 1er janvier 1959, Cuba n’est désormais plus dirigé par un membre de la famille Castro. En effet, le congrès du Parti communiste tenu à la fin du mois d’avril a avalisé la passation du pouvoir entre Raul Castro et Miguel Diaz-Canel. Mais ce n’est pas cette nouvelle qui retient l’attention dans le contexte pandémique.
À la fin du mois de mars, sans tambour ni trompettes, le gouvernement cubain a annoncé le début de la vaccination des travailleurs de la santé avec le vaccin Abdala développé localement à travers le groupe pharmaceutique d’État BioCubaFarma. Le même groupe teste également d’autres vaccins comme les Soberana 1 et 3 qui sont présentement dans les phases 3 des essais cliniques. Seuls vaccins développés en Amérique Latine, ils sont la conséquence des différents embargos que les États-Unis ont mis en place pour faire pression sur le régime castriste. Ainsi, le pays a dû mettre en place sa propre production de vaccins pour s’assurer de l’efficacité de ses programmes d’immunisation.
Cette autonomie relative du gouvernement cubain en matière de vaccins lui permettra certainement de contrôler davantage sa campagne de vaccination alors que plusieurs pays d’Amérique Latine peinent à s’assurer d’un approvisionnement continu de vaccins. Cette difficulté se reflète notamment dans des taux de vaccination assez bas : l'Argentine, le Brésil ou le Mexique ne dépasse pas les 15% de population vaccinée.
En outre, ces vaccins arrivent à point, parce que si l’île a été assez épargnée depuis un an en termes d’infections, les dernières semaines sont marquées par des hausses exponentielles de cas. Néanmoins, les taux de contamination et de décès demeurent relativement faibles avec 9000 cas et 60 décès par million d’habitant (au Canada c’est 32 000 et 640 respectivement).
Légende : Après plus de 60 ans au pouvoir, la famille Castro passe le relais du pouvoir cubain à Miguel Diaz-Canel. Ce n'est pourtant pas cette nouvelle qui semble retenir l'attention médiatique, mais le début de la vaccination sur l'ile, qui est parvenue à développer et produire son propre vaccin.
Crédit: President.az, Wikimedia Commons
Au même moment, le gouvernement a également annoncé que dès le mois de juin, sa campagne générale de vaccination débutera et que toute personne qui visitera l’île sera vaccinée gratuitement. Cela démontre bien l’importance du tourisme pour l’économie du pays socialiste qui est durement touchée par la chute de l’économie du voyage suite à la pandémie (baisse de 11% du PIB en 2020 selon le ministre de l’économie). Ainsi, le vaccin local permettra peut-être de relancer plusieurs régions du pays en repartant la machine touristique.
Au-delà du tourisme, le développement des vaccins cubains rappelle un autre secteur marquant du régime : la médecine. En effet, Cuba est reconnu pour son taux de 8 médecins par 1000 habitants (le plus élevé du monde), ce qui est 4 fois celui du Canada, et où l’espérance de vie dépasse celle des États-Unis. D’ailleurs, la médecine constitue le socle des relations internationales cubaines à travers l’envoi de médecins en mission partout dans le monde – Castro avait d’ailleurs proposé à George W. Bush d’envoyer des médecins gratuitement à la Nouvelle-Orléans lors du passage de l’ouragan Katrina. En outre, ces missions permettent de faire entrer à Cuba plus de 10 milliards de dollars par année alors que les revenus du tourisme n’atteignent pas 3 milliards.
L’historique d’investissement en santé du régime cubain lui permet ainsi de contourner l’embargo qui mine les autres secteurs économiques, en plus de rayonner à l'international et de garantir au pays une certaine souveraineté sanitaire.